La récession des galaxies

En 1912, l'astronome américain Vesto Slipher commença à l'observatoire Lowell une étude du spectre des galaxies les plus brillantes. Ceci n'était pas une mince affaire car même les galaxies les plus lumineuses ont une luminosité totale très faible et le fait de décomposer la lumière en ses différentes longueurs d'onde n'arrangeait rien. Il fallait ainsi plusieurs nuits d'observation à l'époque pour obtenir le spectre d'une seule galaxie.

En analysant ses résultats, Vesto Slipher constata que les quelques raies présentes dans les spectres se trouvaient déplacées par rapport à leur position théorique, ce qu'il interpréta comme un effet de la vitesse des galaxies. En effet les raies spectrales d'un objet changent légèrement de longueur d'onde lorsque le corps est en mouvement. D'après le décalage, Slipher pouvait donc déterminer la vitesse relative de ces galaxies par rapport à la nôtre. Il trouva ainsi par exemple que la galaxie d'Andromède se rapprochait de nous à une vitesse de l'ordre de 300 kilomètres par seconde.

Mais son résultat final était plus étonnant : il obtenait 11 décalages vers le rouge et quatre vers le bleu, soit beaucoup plus de galaxies s'éloignant de nous que de galaxies se rapprochant de nous. Ce résultat était très étrange. En effet, si les mouvements des galaxies se faisaient de façon aléatoire et sans direction privilégiée, il y aurait dû y avoir autant de décalages vers le bleu que vers le rouge. Les observations de Slipher avaient donc une signification profonde et devaient nous apprendre quelque chose de fondamental sur la dynamique de l'Univers. La révélation n'eut cependant pas lieu à ce moment car l'échantillon de galaxies n'était pas suffisamment grand pour être vraiment significatif.

La loi de Hubble

En 1917 s'acheva la construction du télescope de 2,50 mètres du mont Wilson. Ceci permit à un autre américain, Milton Humason, de se mettre au travail sur le même sujet avec plus d'efficacité et une vitesse accrue. En effet, le pouvoir collecteur, c'est-à-dire la quantité de lumière collectée par un instrument, augmente avec la surface de l'ouverture du télescope, si bien que l'on obtient beaucoup plus rapidement un bon spectre avec un grand télescope qu'avec un petit.

A la même époque, Edwin Hubble, dans le même observatoire, continuait ses travaux sur les distances aux galaxies proches en utilisant la relation entre période et luminosité des céphéides. C'est en comparant ses résultats sur les distances et ceux de Milton Humason sur les vitesses, qu'il fit la découverte qui allait révolutionner l'astronomie.

Il constata qu'en ne tenant pas compte des galaxies les plus proches, qui se déplaçaient de manière plus ou moins aléatoire, il apparaissait que toutes les galaxies s'éloignaient de nous. De plus, ceci se faisait en suivant une règle très précise : la vitesse de récession d'une galaxie était proportionnelle à sa distance à la Voie Lactée. Ainsi, une galaxie deux fois plus éloignée qu'une autre, s'éloignait deux fois plus vite, une propriété maintenant connue sous le nom de loi de Hubble.
L'expansion de l'Univers

La découverte de Hubble fut l'un des grands moments de l'histoire de l'astronomie. La loi de proportionnalité entre distance et vitesse prouvait que la récession des galaxies ne correspondait pas à un mouvement par rapport à un espace statique, mais au contraire à une expansion de l'Univers lui-même. Le décalage vers le rouge était lié à la dilatation de l'espace, pas à un déplacement véritable des galaxies.

Pour mieux le visualiser, nous pouvons faire appel à une analogie à une dimension : un simple élastique. Pour représenter les galaxies, marquons quatre points équidistants A, B, C et D. L'expansion de l'Univers se simule alors simplement en étirant l'élastique. Les points s'éloignent les uns des autres sans pour autant se déplacer par rapport à l'élastique. De la même façon, les galaxies ne se déplacent pas par rapport à l'espace, mais sont entraînées par le mouvement d'expansion de l'Univers.

Pour visualiser la loi de Hubble, plaçons nous maintenant au point A et observons le mouvement apparent des autres points. Ceux-ci ne s'éloignent pas tous à la même vitesse : C a l'air de fuir deux fois plus vite que B et D trois fois plus vite que B. La vitesse de récession est donc proportionnelle à la distance et nous retrouvons bien la loi de Hubble.

Une conclusion erronée que l'on risque de tirer sur l'expansion est l'existence d'un centre. En effet, il semble à première vue que toutes les galaxies s'éloignent de nous, ce qui peut laisser supposer que la Voie Lactée est un lieu privilégié, une sorte de centre de l'Univers. Cette conclusion est totalement fausse. Revenons à notre élastique et tirons de nouveau dessus. Plaçons-nous cette fois-ci au point B : A et C semblent s'éloigner dans des directions opposées, à la même vitesse, alors que D s'éloigne au double de cette vitesse. Ainsi, B a l'impression d'être au centre de l'expansion. Plaçons-nous alors au point C : les points B et D fuient dans des directions opposées à la même vitesse, et A au double de celle-ci.

La situation est donc exactement la même, quelle que soit notre position. L'explication est simple : en fait, il n'y a pas de centre. Le fait que l'un des points voie tous les autres s'éloigner ne signifie pas qu'il se trouve au centre de l'expansion. De même, l'expansion de l'Univers ne possède pas de centre. La Voie Lactée n'est pas un lieu privilégié et toutes les galaxies occupent des positions équivalentes.